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En vers et contre tout, chroniques malpensantes
9 juillet 2014

L'Allemagne ou le génie de(s) circonstance(s)

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Il est des moments où le football est d'une intransigeante réalité. L'Allemagne règne sur le football comme elle domine l'économie européenne et son logiciel politique : par défaut.

 

C'est le génie de l'Allemagne que de trouver les circonstances idoines à la faire briller bien plus qu'elle n'est vraiment brillante. L'Allemagne, c'est l'élève très scolaire, appliqué, dénué de réel talent, mais sérieux et acharné, qui, en l'absence de leader charismatique, de prodigieux génie, devient par défaut premier de la classe, et bientôt leader malgré lui, parce qu'il est le repère le plus solide dans un moment où les talents manquent et où l'audace est genou à terre.

 

Dans ces moments, le sérieux, la simple application sans beauté, sans étincelle, le triste et morne ascétisme de la gestion sans vision, capte la lumière que d'autres ont renoncé à prendre.

 

L'Allemagne apparaît comme une grande équipe face à un adversaire dont la vigueur n'était guère que symbolique et le niveau réel celui de la Jamaïque. Elle n'a été ni grande ni brillante. Elle a simplement été là, laborieuse, face à un leader historique qui venait d'abandonner son rôle et à qui les circonstances permettaient enfin de tomber le masque. Le Brésil n'aurait jamais dû parvenir jusqu'aux demi-finales, à peine méritait il de sécher sur place les sélections mexicaine et croate, bien plus séduisantes. Avec les soubresauts de Neymar et les largesses de l'arbitrage, il parvenait miraculeusement à un stade de la compétition que dix autres équipes de la compétition auraient mérité davantage que lui. Et dans ces circonstances, c'est à l'Allemagne qu'il revient de porter le coup de grâce et d'en tirer tous les bénéfices symboliques.

 

Dans cette coupe du Monde, c'est la situation politique de l'Europe qui se trouve racontée avec un sens très exact du récit. L'Allemagne, jamais audacieuse, jamais créative, mais toujours sérieuse et laborieuse, ne s'est imposée de fait comme leader d'une Europe mollusque dans laquelle la France comme la Grande-Bretagne, sans souffle, sans repère, et sans vision, ont abandonné tout rôle historique. En contre-jour alors, la vieille « rigueur » allemande sans relief et son vieux libéralisme protestant peuvent tranquillement apparaître aux yeux des plus crédules, dirigeants européens en tête, comme une pensée politique d'avenir.

 

Les brillants élèves dont le talent pouvait culminer en laissant poindre une certaine insolence, souvent agaçante, mais toujours secrètement admirable, avaient renoncé à tenir le rôle dans la tempête et chacun désormais, était contraint de leur préférer le réalisme sans âme d'une abnégation sans tempérament ni fougue. A défaut de s'éblouir du sublime, on feint de s'émerveiller d'un ordinaire qui pour l'occasion se glisse sous un vernis laissé vacant.  

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